Les méthodes de modélisation : la méthode MKSM/MASK

« Une méthode est une manière ordonnée de mener quelque chose, ou un ensemble ordonné de règles, d’étapes permettant de parvenir à un résultat. Une méthode est une marche rationnelle de l’esprit pour arriver à la connaissance ou à la démonstration d’une vérité ».

Définition du dictionnaire Larousse

« La modélisation est un principe ou une technique qui permet d’établir un modèle explicatif d’un phénomène ou comportement ».

Dans son Manuel Du Knowledge Management, Jean-Yves Praxrépertorie les plus utilisées des méthodes de modélisation, à savoir la méthode MKSM/MASK, la méthode CommonKADS, la méthode KOD et la méthode KALAM, mise au point par Praxlui-même.

  1. La méthode KALAM (Knowledge And Learning in Action Mapping) a été mise au point par Jean-Yves Prax et appliquée dans les domaines du nucléaire, de la chimie, de la logistique et des finances. Elle n’a pas pour but de capitaliser toutes les connaissances d’une entreprise mais de repérer ses compétences cruciales en les cartographiant. La différence avec les autres méthodes (MKSM, KADS), c’est qu’elle met la dimension humaine au cœur de son dispositif : il n’y a pas que la représentation qui intéresse mais aussi la dimension participative, communautaire et la capacité de réappropriation de la méthode (la réingénierie).

Pour en savoir plus :

http://www.polia-consulting.com/Methode-KALAM-R.html

  1. La méthode KOD (Knowledge Oriented Design) a été établie par Claude Vogel, elle consiste à développer des systèmes à bases des connaissances. Elle repose sur trois modèles (le modèle pratique, cognitif et informatique) et trois paradigmes (l’être, le faire, le dire).
  1. La méthode KADS (Knowledge Analysis and Design System/Support) a été conçue en 1985 par un projet appelé ESPRIT composé de plusieurs experts. Elle a évolué et s’est enrichie dans les années 90. Aujourd’hui, elle est devenue CommonKADS et cherche à fonder un standard européen. Au total, 80 personnes issues de quatre pays de l’Union Européenne ont travaillé à l’élaboration de cette méthode. Elle s’appuie sur une déclinaison de cinq modèles dont le but est de fournir des « prototypes » réutilisables de modèles de connaissances.

Présentation de MKSM / MASK

La méthode MKSM (Methodology for Knowledge System Management) a été conçue en 1992 par Jean-Louis Ermineafin de gérer (sauvegarder et capitaliser) les connaissances des chercheurs. L’année suivante, elle a été mise en place au CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique), un organisme de recherche publique. Elle a ensuite été enrichie pour devenir MASK (Method for Analysis and Structuring Knowledge/Méthode d’Analyse et de structuration des connaissances). Aujourd’hui, elle est utilisée dans de nombreuses entreprises en France et dans le monde telles que EDF, Thomson, La Poste, Cofinoga, Gaz de France…

La démarche de MKSM/MASK ne se réduit pas à un seul modèle, elle consiste à modéliser les connaissances selon divers points de vueauprès des « sources de connaissances » de l’entreprise (les détenteurs de savoirs, experts, spécialistes…) afin de les organiser dans un système complexe appelé « système de connaissances » ou « patrimoine de connaissances ». MKSM/MASK propose six points de vue qui se traduisent sous la forme de six modèles graphiques agrémentés de fiches descriptives synthétiques.

Le livre des connaissances

Cette méthode conduit à la réalisation d’un livre de connaissances (LC). Ce livre n’est pas un recueil classique de synthèses techniques, il s’organise à partir des différents points de vue retenus permettant ainsi de mieux appréhender les différentes connaissances (lecture non linéaire).

Il comprend :

  1. l’ensemble des modèles élaborés pour chaque point de vue.

  1. des fiches rendant compte de la description d’un point de vue rédigées en langage naturel par les experts de l’entreprise eux-mêmes.

  1. des documents qui viennent compléter les schémas et les fiches : des documents techniques, des plans, des images, des références…

Ce livre des connaissances est la principale finalité d’un projet MASK (il peut prendre un format papier ou électronique). Bien entendu cette finalité reste secrète, elle vise à partager les connaissances au niveau interne de l’entreprise (pour les nouveaux arrivants par exemple) mais il y a des cas particuliers où il est utilisé en externe ou partagé (cf. LCS).

Les six points de vue adoptés par la méthode MASK.

Pour mettre au point cette méthode, Jean-Louis Ermine s’est basé sur un concept appelé « Macroscope de la connaissance », développé par Joël de Rosnay dans son ouvrage Le Macroscope, vers une vision globale. Il reprend de ce macroscope neuf points de vue permettant de modéliser les connaissances.

TROIS de ces points de vues relèvent strictement du domaine de l’informatique et sont déjà traités en dehors de MKSM/MASK.

MKSM, seul, traitait QUATRE des points de vue restants qui donnent lieu au modèle du domaine, au modèle de l’activité, au modèle de concept et au modèle des tâches.

Mais un aspect manquait à la méthode, celui de l’évolution des connaissances qui correspond aux DEUX derniers points de vue. C’est pourquoi MKSM a été enrichi pour devenir MASK. La méthode comprend alors deux nouveaux modèles : le modèle historiqueet le modèle des lignées qui se placent dans une perspective d’évolution des connaissances au sein de l’entreprise et tentent de comprendre comment elles naissent, comment elles disparaissent, comment elles évoluent, comment elles donnent lieu à d’autres connaissances…

La mise en oeuvre de MKSM/MASK

La méthode MKSM/MASK est mise en œuvre au cours de deux phases :

  1. La phase de cadrage

La phase de cadrage permet de déterminer quels modèles devront être construits dans le projet de l’entreprise, celle-ci n’ayant pas forcément besoin de tous les modèles : par exemple, pour un sujet d’étude à caractère peu scientifique, on n’a pas besoin de construire un modèle du domaine. C’est au cours de cette phase que les acteurs/experts qui vont intervenir dans le processus sont désignés (ils forment un comité de pilotage qui oriente le projet, un comité de projet qui le réalise et un comité technique qui le conseille).

  1. La phase de modélisation

Puis vient la phase de modélisation. Elle commence par un recueil des ressources humaines lors d’entretiens avec les experts de l’entreprise, et non humaines en s’appuyant sur la documentation et les bases de données. Les résultats de ces entretiens sont consignés dans le livre des connaissances. Ensuite vient la modélisation en tant que telle durant laquelle les modèles sont construits et mis en qualité.

Dans un premier temps, on définit et délimite le système sur lequel on désire travailler en construisant le modèle du système de connaissances. Ensuite on construit chacun des modèles selon chaque point de vue :

  1. Le modèle du domaine décrit un domaine par l’ensemble des processus qui s’y déroulent. L’activité de l’expert est basé sur des phénomènes généraux qui sont à la base du savoir. Ce sont des phénomènes que l’on cherche à maîtriser ou à réduire tout en sachant qu’ils prennent source dans un « système source ». Le phénomène source est à l’origine d’un flux qui peut être de toute nature et qui interagit avec un autre système, le « système cible » (finalité). Tout ce processus est influencé par un champ actifs constitué d’objets extérieurs au phénomène.

Chaque phénomène identifié dans le modèle du domaine par les experts est également décrit dans des fiches descriptives (en langage naturel) et des fiches scientifiques plus formalisées (en langage scientifique) avec des références documentaires complémentaires.

  1. Le modèle de l’activité permet de recenser, de caractériser et de hiérarchiser les activités du domaine traité. Il est constitué d’un ensemble de schémas organisés en une hiérarchie de décomposition. Jean-Yves Prax parle d’une « analyse fonctionnelle descendante où chaque activité est décomposée en tâches, guidées par les données, reliées par des flux ».

Il comprend les différentes activités représentées par des rectangles bleus et l’ensemble des entrées et sorties associées. Pour chaque activité, sont identifiés les acteurs (ceux qui sont chargés de cette activité), les ressources dont-ils ont besoin pour mener à bien cette activité et les connaissances utiles qu’il doivent mettre en œuvre (savoir-faire). Les acteurs peuvent éventuellement fournir un commentaire sur cette activité qui sera consigné dans le Livre de Connaissances (méta-document).

Le modèle de l’activité appliqué à la rédaction dans notre mini entreprise.

  1. Le modèle des tâches restitue le savoir-faire, les raisonnements de l’expert, ses décisions et les actions qu’elles induisent dans son travail. Comme pour le modèle de l’activité, c’est un ensemble de schémas organisés en une hiérarchie de décomposition.

Les différentes tâches sont représentées par des rectangles et les sous-tâches s’organisent selon des « structures de contrôle » qui les relient à des signes caractéristiques : ces structures peuvent être séquentielles, parallèles, conditionnelles ou itératives (répétées plusieurs fois).

Le modèle des tâches appliqué à la rédaction dans notre mini entreprise.

  1. Le modèle de concept représente l’aspect statique de la connaissance (la connaissance statique). Un concept désigne une catégorie d’objets qui partagent les mêmes propriétés, des propriétés qui sont définies comme les attributs du concept.

  1. Le modèle d’évolution est chez les économistes comme l’hypothèse de « la dépendance du sentier » qui veut que la nature même du patrimoine de connaissances accumulées dans une organisation prédétermine le sentier d’évolution de ses connaissances. La « dépendance du sentier » demande à analyser l’évolution d’un système de connaissances vis-à-vis de son histoire pour mieux maîtriser son futur. Le modèle d’évolution comprend le modèle historique qui retrace l’histoire des connaissances et qui prévoit leur avancée, et le modèle des lignées qui correspond à des générations d’objets et de concepts, une sorte de généalogie qui justifie l’évolution et la transmission à travers les générations.

  1. Exemple d’application de la méthode MKSM

On peut prendre l’exemple du projet LCS (Livre de Connaissances SILVA) qui a permis de construire pour l’industriel AREVA (Cogema à l’époque) une mémoire de connaissances accumulées. Le livre de connaissances a été développé pendant plus d’un an et demi, il contient environ 2300 pages et a mobilisé près de 120 experts. Il a été construit pour une utilisation en externe puisque le projet SILVA l’a fourni à Cogema : la connaissance a été vendu sous forme de livre.

Par conséquent, une méthode de modélisation permet de gérer l’évolution interne du patrimoine de connaissances en analysant son évolution passée et en organisant son évolution future pour créer et innover.

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